dans l'actualité

D’un point de vue fonctionnaire, une restriction de plus à un panneau de stationnement ne fait que témoigner d’une réglementation municipale qui s’ajuste au trafic, aux heures d’école, à la neige, au nettoyage de rue. Sauf que la communication ne passe pas pour l’automobiliste. Encore moins pour le touriste. Une signalisation axée sur ce qui est permis plutôt qu’interdit mérite qu’on s’y arrête.

Dans la majorité des grandes villes, se stationner pose deux problèmes : trouver un espace libre et décrypter les panneaux.

Au premier banc des accusés, l’accumulation sur un même poteau de plusieurs panneaux cumulant des autorisations et des interdictions.

Panneau Totem
« En Amérique du Nord, nous vivons sur des terres empruntées aux Amérindiens, mais faut-il pour autant ériger nos panneaux de signalisation en totems! », ironise un Californien devant ce panneau anti-communicatif.

Qui a le loisir de se rendre sur le site Internet de la municipalité pour lire sur la signification de telle indication? Si encore la rubrique existe : par exemple, à Montréal, aucun visuel pour aider l’automobiliste confus.

Un journaliste de La Presse habitant Rosemont décrivait récemment une situation bien réelle de panneaux sur sa rue qui sont sinon contradictoires, du moins kafkaïen. Allons, plongeons :

« Interdiction de tout arrêt de 8 h à 9 h 30, du lundi au vendredi. Interdiction de stationner de 9 h 30 à 10 h 30 les lundis, mercredis et jeudis du 1er mars au 1er décembre. À gauche, se garer est interdit en tout temps de 9 h à 23 h, mais à droite, cela l'est seulement de 16 h à 23 h. Sauf si la voiture est dotée d'une vignette, auquel cas deux des quatre règles précédentes ne s'appliquent pas. »

À Montréal
L’interdiction de se garer une heure par semaine sur l’un ou l’autre côté des rues de Montréal pour le nettoyage est à la source de presque le tiers de tous les constats d’infraction remis aux automobilistes, alors que les parcomètres expirés représentent moins du quart des amendes. Crédit photo : Pasquale Harrison-Julien.

L’administration municipale avoue : « C'est le cumul des restrictions qui est compliqué. Il y a plusieurs informations complémentaires qui ne sont pas rassemblées sur les panonceaux, et ça devient alors un travail d'interprétation. » - Éric Alan Caldwell, élu responsable des transports au sein de l'administration Plante

En juin 2016, l’ancienne administration de Montréal avait adopté une politique du stationnement soulignant que « la difficulté à interpréter ce qui est affiché constitue un problème ». On avait notamment relevé le trop grand nombre de panneaux de signalisation sur le territoire, certains poteaux pouvant en arborer six.

Rien n’ayant été fait, l'administration Plante a décidé de relancer le dossier à l’été 2018. Elle mène une expérience pilote de panneaux simplifiés dans deux arrondissements.

« Chaque restriction a un but. Aucune n'est gratuite. C'est le cumul qui est compliqué. Alors, pour avoir quelque chose de simple, ce n'est pas si simple. »

Éric Alan Caldwell
À Montréal
Crédit photo : Olivier Pontbriand, La Presse.

New York sur la bonne voie de la simplification

Si Twitter a en quelque sorte révolutionné notre manière d’écrire, la signalisation de stationnement semble aussi destinée à réduire le nombre de caractères sur un même panneau. En tout cas, une expérience new-yorkaise se poursuit depuis cinq ans.

La commissaire au transport de la ville, Janette Sadik-Khan, avait présenté à l’époque le projet de révision des panneaux de stationnement sur rue avec cette belle image :

« Nous avons eu l'habitude d'avoir des panneaux avec 250 caractères sur quatre panneaux différents dans trois couleurs différentes. Maintenant nous pouvons le dire dans environ 140 caractères sur un seul panneau qui est beaucoup plus clair. »

Les nouveaux panneaux, d’abord implantés dans le quartier des affaires représentent deux sections séparées, mais semblables, une pour les véhicules utilitaires (dans une police de caractères rouges), l’autre pour les automobilistes normaux (en vert).

Contrairement aux anciennes signalisations, qui étaient dans un méli-mélo de couleurs, de polices de caractères et de styles, les nouvelles sont dans un format unifié, mettant la durée pour le stationnement d'abord, puis les jours et les plages horaires.

Innovation anodine, pas importante, le formatage des panneaux et l'emplacement de la typographie : justifié à gauche, plutôt que centré, que les concepteurs considèrent plus lisible.

Les nouveaux panneaux aident non seulement à réduire la confusion dans les rues, mais à économiser aussi l'argent des citoyens. Un des grands impacts de ces panneaux est qu’ils « aboutiront à moins de contraventions pour les New-Yorkais », soutient Mme Christine Quinn, porte-parole de la ville. On entend moins dire « Attendez une minute, j'ai pensé que l’information sur le panneau me permettait de garer là ».

On comprend donc ici la portée civique de l’opération face au cynisme ambiant qui amène nombre de citoyens à croire que les villes essaient délibérément de les confondre pour les duper et récolter plus d’argent en contraventions.

La commissaire new-yorkaise Sadik-Khan constate, elle, un effet cosmétique positif, comparant une signalisation plus jolie et plus efficace à une amélioration de la qualité de vie des résidents et de la beauté perçue par les touristes, au même titre qu’un nouveau pavage de rue, l’aménagement d’une piste cyclable ou la création de places piétonnes. Elle qualifie ces actions de « réductions du désordre ».

À New-York
Plus besoin d’un PhD pour comprendre un panneau au centre-ville de New-York, prétendent les promoteurs d’une signalisation simplifiée.

Une guérilla urbaine inspirante en faveur du redesign des panneaux de stationnement

La fin justifiant les moyens, Nicole Sylianteng en avait assez de payer des contraventions alors qu’elle vivait à Los Angeles. Designer graphique, elle a soumis un projet de signalisation simplifiée qui est devenue une communauté de bonnes pratiques ouverte sur l’Internet… et inspirante!

L’approche novatrice de To park or not to park est d’amener véritablement les autorités municipales à se mettre dans le siège des conducteurs de voitures. Elle suggère donc de tester les projets de signalisation et d’observer le comportement des automobilistes avant de les installer de manière permanente.

Nicole Sylianteng
À gauche, une critique commentée par Nicole Sylianteng (en anglais) d’un panneau traditionnel comme on en voit dans toutes les villes occidentales. À droite, ce que pourrait être la même information, un peu plus restrictive, mais tellement plus conviviale.

La deuxième règle d’or proposée par la designer Sylianteng qu’on peut voir et entendre sur cette vidéo : optimiser la signalisation dans le but de protéger l’utilisateur le plus possible contre une contravention. En ce moment, les intentions sont partagées entre tenter de permettre le plus possible de plages horaires de stationnement en raison de la pression des automobilistes tout en tentant de permettre à la ville d’effectuer ses travaux d’entretien le mieux possible, comme le déneigement et le nettoyage. Ce sont là, selon elle, des objectifs hybrides qui font passer la vertu du compromis dans le camp des travers de la compromission.

Troisième principe : la simplification des messages, illustrée par les deux images ci-dessous. Le projet à droite exprime clairement la position que prendrait une municipalité en l’adoptant : les automobilistes perdront quelques privilèges de stationner à certaines heures et certains jours, mais la communication aura le mérite d’être plus claire et sans doute, de réduire la frustration de se retrouver avec un billet.

Nicole Sylianteng
L’hypothèse défendue par la designer Nicole Sylianteg dans sa guérilla contre une signalisation trop compliquée pour les stationnements sur rue se résume comme suit : les automobilistes préféreront lire qu’ils ne peuvent clairement pas stationner que de croire vaguement qu’ils le peuvent.

Quatrième et dernière règle d’or d’une signalisation simplifiée et favorable aux conducteurs : maintenir la clarté au fil du temps.

Le diable s’insinue en matière de signalisation compliquée. Arrive un changement électoral ou un nouveau fonctionnaire qui voient les choses autrement, survient un incident qui provoque un « spot zoning » et hop, un ajoute un panonceau.

Ainsi, certains des panneaux les plus confondants sont dus à beaucoup de changements cumulés alors que le panneau original était souvent simple.

Chaque changement doit consolider toutes les règles dans un seul panneau modifié et actualisé plutôt que de succomber à la tentation d’ajouter un deuxième panneau.

Les villes doivent aussi éviter de faire plaisir à chaque groupe de pression qui demande son exception pour la garderie, le service de valet de l’hôtel, la diplomatie, etc. Sinon, le chaos nous guette, même qu’il est déjà là… au coin de la rue!

Nicole Sylianteng

L’intelligence artificielle pour trouver un stationnement libre

L’application de Stationnement de Montréal imitée dans d’autres villes satisfait ses utilisateurs au moment de payer le parcomètre. On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle a réussi à aider l’automobiliste à trouver un espace de stationnement libre.

La solution idéale est hélas mort-née : prkng.

En 2015, deux entrepreneurs montréalais avaient créé l’application prkng avec la promesse d’afficher en temps réel les zones de stationnement autorisées selon sa position, et ce, pour combien de temps.

Jusqu’au 13 février 2018, quelque 68 000 personnes utilisaient prkng.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné? Les concepteurs concèdent que l’entreprise a trop investi de temps dans le design et l’ingénierie de l’application, pas assez dans son modèle d’affaires.

Nicole Sylianteng